Abstraction lyrique

47 ŒUVRES

L’influence heureuse de l’Abstraction lyrique, riche mouvement d’avant-garde américain fondé sur une grande liberté plastique et un rapport expérimental à la matière, m’a nourrie pour réaliser ces toiles et lui donner son émotivité très expressive. Le peintre scandinave Per Kirkeby, qui était aussi géologue,m’a beaucoup inspirée pourla présence minérale de certaines toiles.
Déployées en grand format, les peintures jouent sur les matières et les reliefs en assimilant la diversité des supports. La toile texturée se compose, à la manière de celles de Roy Lichtenstein, d’une trame faite de points, de brou de noix ou de gravier, pour mieux montrer, dans l’entrelacs des recouvrements, une transparence plus légère. Par endroits, les empâtements de la peinture s’équilibrent grâce à la finesse des calligraphies, allusions à ceux de Chuta Kimura (1917-1987). Je me suis aussi inspirée de Franz Kline (1910-1962) pour les noirs et blancs, en tentant de capter le mouvement des formes, par une écriture sans mot, ramenée à son pur dynamisme graphique, ou d’Olivier Debré (1920-1999) pour des toiles où j’ai tenté de rendre les sentiments transmis par un paysage, plutôt que le paysage lui-même.
Les collages et paysages ont disparu, mais se devine encore la trace de l’émotion que j’ai ressentie et que j’ai désiré montrer au regardeur pour partager le plaisir d’un rapport tactile à la peinture.

« Focillon avait un titre d’une grande beauté pour parler d’histoire de l’art : « la vie des formes ». Chez Delphine Aboulker, la forme vit. Elle naît, évolue, se développe et se perd. Prise entre la fébrilité des contours et la vigueur chromatique, la forme se révèle le reflet de notre condition paradoxale de spectateur et, même – disons-le – d’être humain : fragilité et force, rupture et continuité, limites et profondeur… Les formes vivent donc, mais nous vivons de surcroît avec elles et en elles.
Delphine Aboulker est obsédée par une matérialité qu’elle n’atteint pas. On croirait ses toiles toute dévolues au simple bonheur des tons et de la pâte, mais, malgré elles ou presque, il demeure une invitation à la rêverie cérébrale. Cette peinture enchante l’œil et aiguise les appétits du cerveau. Dans ces continents, arrachés à l’imaginaire des couleurs, il y a donc des voyages à faire, des sentiers à trouver, des territoires à conquérir. »

Matthieu de Sainte-Croix, chercheur, critique, écrivain

« On se prend à deviner l’émotion ressentie par l’artiste au travail : une agitation inquiète, orageuse, tempérée par les dorures qui cernent le magma des doutes et l’assignent à un espace restreint ou lui promettent une résolution plus sereine.
Dans certaines toiles, en roses par exemple, c’est comme si des nappes de chaleur joyeuse restaient en suspension dans l’air, dans la lourdeur merveilleuse d’un soir d’été. »

Hortense Miginiac, auteure